Opération anniversaire Dominique
250 personnes pour cette petite fête entre amis, de midi à minuit, dans des locaux municipaux à Ramonville St Agne (banlieue toulousaine) le 18/04/04.
L’objectif est de mettre en place une toilette à litière légère le temps de la fête, et d’en offrir le contenu à Dominique le lendemain pour son jardin.
Les Gandousiers, Pierre Besse et Alain Marcom étant au nombre des invités, l’idée est aussi de pas trop se prendre la tête et de profiter de la fête, en installant un système aussi simple que possible pour tout le monde.
Le bâtiment est équipé de 2 wc à chasse d’eau, chacun dans une pièce très spacieuse (4 ou 5 m2).
Matériel : 3 conteneurs type « poubelle » en plastique de 80l (5€ pièce), une lunette de wc avec son couvercle (30€), 2 sacs de 50l de sciure de bois, une petite poubelle en plastique pour les serviettes hygiéniques, l’excellente cuillère taillée dans une noix de coco pour verser la sciure. La lunette est montée sur un panneau de bois circulaire qui s’emboîte -et se déboîte- sur le conteneur, à la place du couvercle. La hauteur du conteneur -50 cm- permet un usage confortable en le posant à même le sol.
Déroulement de l’opération : Le wc n°1 est neutralisé par un panneau « sens interdit » scotché sur la porte, accompagné du message suivant : « Par mesure d’hygiène, les wc à chasse d’eau sont fermés (sauf urgence). Merci d’utiliser les toilettes à compost ». La porte du wc n°2 porte une affichette « toilettes à compost ». À l’intérieur, le wc à chasse est neutralisé à son tour par une pile de tracts « Pourquoi les toilettes sèches » posés sur l’abattant. Juste à côté, on installe le conteneur n°1 « toilette », et le conteneur n°2 plein de sciure, avec la cuillère attachée à la poignée. Au mur, on affiche le mode d’emploi suivant : « Tout le monde fait pipi assis, même les messieurs. Le PQ va dans la toilette. Après usage, verser un peu de sciure dans la toilette. Tout autre objet va dans la petite poubelle. » Et c’est parti. Un coup d’œil de temps en temps pour vérifier que tout se passe bien, et effectivement, tout se passe bien. En fin d’après-midi, le conteneur n°1 est presque plein. On le remplace par le n°3, on le ferme avec son couvercle, on le glisse dans un coin de la pièce et on refait le niveau de sciure dans le conteneur n°2. A minuit, la fête est presque finie, le conteneur n°3 est à moitié plein. On charge tout dans le fourgon. C’est le seul moment où il faut être deux, le conteneur n°1 doit bien faire 50 kg.
Le lendemain soir, Dominique nous accueille à bras ouverts dans son jardin et nous aide à décharger dans le silo à compost. On a amené un peu de paille pour couvrir le produit. Pour un public aussi nombreux, il aurait fallu mettre en service une seconde toilette : pendant plusieurs heures, il y a eu en permanence 2 ou 3 personnes à faire la queue. L’auto-discipline des utilisateurs a été à peu près parfaite : juste quelques PQ déposés dans la petite poubelle. Signalons, à l’extérieur, la « salle de bain sèche » installée par Jacques Cohen. Pas si sèche que ça, d’ailleurs, vu la pluie.
Au total, une expérience stimulante dans un cadre très favorable : des gens qui se connaissent et connaissent les lieux où ils se sentent un peu chez eux, un public à priori plutôt écolo, et, pour une occasion pareille, ouvert aux gags. Un accueil de plain pied de la part du comité d’organisation de la fête (dont le thème est : zéro déchet, cadeaux à base de déchets recyclés, etc), aucune manifestation de gêne ou de rejet qui nous ait été rapportée.
Tout ça suggère quelques réflexions :
Par rapport à un projet d’entreprise de location :
Les toilettes utilisées ici sont une alternative aux cabines en bois avec plancher surélevé. Pour un usage en extérieur, un bâti en bois sans plancher, plus léger, ou même une tente adaptée pourraient faire office de cabine, ce qui permettrait à une personne seule de gérer toute l’opération, avec seulement un petit fourgon, voire un break. L’usage du conteneur en plastique contrevient quelque peu à l’esprit d’Areso, en échange d’une commodité certaine. Peut-être faudrait-il mettre au point un urinoir raccordé à un bidon et fonctionnant sans ou avec très peu d’eau. Il aurait l’avantage de ne pas bousculer les habitudes masculines et de supprimer une des causes potentielles de salissement. Un modèle de toilette à siège, comme celui-ci, supprime la nécessité d’un échange verbal avec l’utilisateur, une signalétique simple suffit.
Par rapport à la sensibilisation du public :
L’absence d’échange verbal, justement, empêche de se faire une idée claire sur la façon dont l’initiative a été perçue. En plus du tract mis à disposition des utilisateurs, une forme d’explication a été donnée, sous forme d’un petit discours au micro, pendant la fête ( voir document « le cadeau »). L’un dans l’autre, on peut présumer d’un certain impact. Les conditions de cette expérience (usage intensif en milieu confiné) accréditent la possibilité d’adopter la toilette à compost à l’intérieur d’un logement, dans la salle de bain par exemple, ou en remplacement des wc.
Par rapport à la destination des matières recueillies :
Dominique habite un lotissement en bande d’une dizaine de logements, dans une zone de pavillons densément peuplée. Son jardin doit faire 10x10m, à droite et à gauche, un grillage le sépare des voisins, et devant se trouve un passage piéton public. C’est là que les 80 kg de produit vont composter. Le cadeau l’a peut-être surpris, mais pas le moins du monde inquiété. C’est une perspective ouverte pour l’adoption des toilettes à compost en milieu urbain.
Rédigé par Pierre Besse le 25/04/04
Ce petit discours a été prononcé le 18/04/04, à Ramonville St Agne, à la fête d’anniversaire de Dominique.
LE CADEAU
Dominique,
De longue date, nous t’avons entendu prêcher le tri et le recyclage des déchets. Nous savons que tu as chez toi le plus beau tas de compost dans le plus beau jardin, nous soupçonnons ce compost, lui ou son frère, d’être pour quelque chose dans la luxuriance de la plus belle terrasse de restau au sud du canal du midi [1].
Le terreau était fertile, le grain n’a pas été semé en vain. Tu nous as convaincus que l’ordure habille l’or, qu’il nous incombe de recevoir cette révélation et de l’incarner à notre tour, ce que nous faisons, à ton exemple, par l’exemple.
Alors nous avons prêté l’oreille à ceux qui disent que l’eau, pure et transparente de nature, mérite mieux que notre pipi-caca, que d’un tuyau à l’autre, cette eau vient à notre robinet, que, pour notre table et notre bain, nous méritons mieux que le jus de chiotte.
Par ailleurs, nous avons entendu parler la poudre, nous savons, depuis un certain 21 septembre [2] de quoi sont capables les engrais industriels. Nous sentons bien que notre mère la terre, en dépit de la sagesse et de la patience dont le cosmos l’a dotée à l’infini, n’apprécie pas d’être forcée à l’explosif. Qu’elle donne son meilleur lait, et le plus abondant, sous les caresses et les onguents. Nous voyons bien qu’elle a besoin de notre graisse pour faire ce lait.
Nous voici donc aujourd’hui autour de toi, à réunir nos déchets les plus intimes, nos déchets ultimes, afin de les offrir à la terre de ton jardin. Toute cette matière est riche de vie. La merde, comme chacun sait, nourrit l’asticot, lequel se fait mouche. L’oiseau prend la mouche et en fait du chant d’oiseau, ainsi va la vie. Quand le menu peuple de l’ombre aura accompli son œuvre, il restera entre tes mains un peu d’humus. Nous te faisons pleine confiance pour en faire de la couleur et des saveurs.
L’humble fruit de nos entrailles est béni. Reçois le donc en signe de gratitude, toi qui nous invites aujourd’hui à ton anniversaire, occasion, et non la moindre, de célébrer jusque dans le détail la terre, la vie, et notre humanité. Amen.